Deux albums américains pas tout jeunots, mais toujours aussi savoureux… Les ingrédients narratifs au petit goût de folie et la délicieuse patine des illustrations font de ces fantaisies alimentaires des récits nourrissants/nourriciers. A consommer sans modération, avec l’estomac un peu vide de préférence parce que ça va secouer !

– Il pleut des hamburgers, Judi et Ron Barrett (Cloudy with a chance of meatballs, 1978). Voilà. Tout est dit dans le titre.
– Cuisine de nuit, Maurice Sendak (In the night kitchen, 1972). Aura de mystère, dès ce titre qui rassemble deux éléments sinon contradictoires, du moins éloignés. La cuisine, reconnaissable, rassembleuse, chaleureuse et la nuit, insondable, sombre, solitaire. Mais deux entités néanmoins universelles, ritualisées, rythmées… Cette « cuisine de nuit »-là, c’est celle de Mickey. Une tambouille onirique qui nous fait suivre ce petit garçon littéralement tombé du lit dans le pétrin d’une cuisine de géant aux allures de mégapole sous décor de ciel étoilé, occupée par trois marmitons sosies d’Oliver Hardy. D’abord objet, Mickey devient sujet et prend les rênes de la cuisine et des événements : d’ingrédient à grand chef/pilote/démiurge, il n’y avait qu’un pas… Aventure initiatique, conte des origines (où l’on apprend enfin comment la brioche arrive sur la table du petit-dèj’) et comédie musicale : c’est un peu tout ça, Cuisine de nuit. Un album inclassable, joyeusement régressif et farouchement progressif comme seul peut l’être un rêve…
Bon, je reviens quand même sur Il pleut des hamburgers. Parce que bien sûr, au-delà de ce titre fabuleux qui est déjà en lui-même tout un programme, on a là une fable réjouissante et outrancière, aux accents écologiques. Cet album, c’est d’abord une histoire dans l’histoire : la transmission orale d’un aïeul à ses petits-enfants, placée sous le signe d’un partage qui nourrit l’imaginaire. Ce grand-père fantasque, inspiré par la chute d’une crêpe, leur raconte l’histoire de la ville de Ratatouille, terre providentielle où la nourriture tombait du ciel aux heures des repas. Oui, mais… Un jour, voilà que le ciel se détraque. Finies les chutes bien réglées de toasts au petit-déjeuner, de saucisses au déjeuner et de purée au dîner. Les habitants débordés par les caprices du climat, tornade de tomates ou précipitations de hamburgers géants, ne savent plus où donner de la tête et commencent à craindre sérieusement pour leur vie. Quand le pays de cocagne devient une scène de guerre permanente, il n’y a plus qu’une solution : fuir. A ces réfugiés-là, un bon accueil sera fait, au terme d’une traversée sans encombre… Une histoire de réfugiés climatiques à la sauce boulettes et avec happy ending, qui si elle prête à sourire n’en est pas moins un excellent terreau de réflexion.


– Cuisine de nuit, Maurice Sendak, Âge : 6+, Pages : 48 , ISBN : 9782211225632, Publication : 2015 (Première publication : 1972) – 13 €, L’ École des loisirs
– Il pleut des hamburgers, Judi et Ron Barrett, Âge : 6+, Pages : 31, ISBN : 9782211021913, Publication : 1982 (Première publication en France : 1981) – 6 €, L’ École des loisirs
BONUS – Fun (ou pas) facts autour de ces deux productions littéraires :
– Cuisine de nuit a été interdit dans plusieurs pays à cause de ses illustrations représentant Mickey nu (wtf?).
– Pour Cuisine de nuit, Maurice Sendak s’est inspiré du personnage de Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland. Une oeuvre précurseuse de la bande dessinée dans laquelle on suit, nuit après nuit, les aventures du jeune Nemo dans le monde des rêves (que je n’ai pas lue, vous me direz si c’est bien).
– Le film Tempête de boulettes géantes (que je n’ai pas vu, vous me direz si c’est bien) s’inspire de Il pleut des hamburgers.
Voilà, vous noterez que je parle beaucoup de choses que je ne connais pas.
